vendredi, septembre 15, 2006

Au nom de la tradition locale ininterrompue

Issu de la loi du 24 avril 1951 et amendé par le décret du 7 septembre 1959, l’article 521-1 du code pénal porte en lui les germes d’un paradoxe.

S ‘agissant des combats d’animaux organisés à titre de loisir, le législateur pose une interdiction formelle avec deux exceptions pour la tauromachie et les combats de coq en invoquant la notion de tradition locale ininterrompue.

En ce sens un récent arrêt de la 1ère chambre civile de la cour de cassation[1] s’inscrit dans une longue lignée[2] de reconnaissance par la Haute Cour de cette tradition et de son respect.

Depuis 1958 les magistrats ont reconnu cette faculté d’organiser des évènements tauromachiques et notamment des courses de taureaux en retenant que le lieu géographique dans lequel se déroulait la course était soumis à une tradition locale et ancestrale.

Ce critère de tradition pris au sens géographique permet de circonscrire le lieu de l’événement de façon à ne pas le voir s’étendre sur la totalité du territoire.

On tire aussi cette faculté de circonscrire au caractère historique de la tradition. Si la tauromachie comme le combat de coq remontent à des temps immémoriaux, le premier critère de tradition locale ininterrompue est rempli.

D’autre part il faut aussi que suffisamment de personne s’y intéressent ; ce second critère étant nécessaire puisque prévu par le texte légal.

Dès lors, ne risque-t-on pas de voir se profiler l’auto alimentation de cette tradition ? Que cela existe de façon immémorial est un fait mais entretenu par le nombre de personnes qui s’y intéresse puisque la tradition est maintenue mais aussi entretenue par des évènements.

La question de la poule ou de l’œuf réapparaît : est-ce que la tradition est le fruit de son ininterruption ou bien est ce que l’ininterruption fait de ces évènements une tradition ?

A partir de quand doit-on envisager la notion de temps ancestral ?

Que se passerait-il si sur le territoire français des jeux d’animaux devaient réapparaître du fait de la redécouverte des traditions du terroir ?

Certes la loi pénale pose l’argument imparable que la sanction soit inscrite dans le texte même. Point de peine sans texte et donc point d’exception à la peine si le législateur ne l’a pas entendu ainsi, mais au nom du principe d’identité des jeux comment qualifié d’acceptable le combat de coq alors que celui de chiens (pitbull) est décrié comme étant sauvage ?

Comment ne pas soutenir que si le combat de pitbull bien que dans la clandestinité s’inscrit dans le temps il ne devienne pas une tradition, sachant qu’il faut bien un point de départ à la tradition et que suffisamment de personnes s’y intéressent?

Il est bien vrai que le caractère ininterrompu ne sera pas envisagé mais, n’en déplaise à notre législateur, les mœurs évoluant, n’arriverait-on pas un jour à revoir notre position ?

Enfin compte tenu des déplacements de population, voir réapparaître une tradition ne tient qu’en la capacité des personnes à se regrouper. La notion de tradition ininterrompue risquerait de voir le caractère local prendre un sens différent, il ne s’agirait plus de déterminer comme étant le lieu où se cristallise cette tradition depuis des décennies mais le lieu où les personnes la pratique.

Les pétards sont permis seulement le 14 juillet mais on sait que dans le 13ème arrondissement de paris, le nouvel an chinois est fêté et qu’on utilise dans la tradition locale chinoise des pétards.

Il ne s’agit pas de cruauté envers des animaux, mais peut-on et surtout doit-on garder ce modus operandi ?
Si la volonté de conserver le principe de l’interdiction de cruauté envers les animaux est maintenu sans offenser la tradition, il faudrait peut être que notre législateur s’interroge sur d’autre critère que la temporalité et la localisation géographique pour que pendant longtemps encore ce particularisme résiste aux excès en tout genre.


[1] Cass.1ère civ. 7 fév. 2006 n°03-12.804
[2] de nombreux arrêts ont déjà consacré le principe