lundi, avril 11, 2005

Polémique autour d’un simple outil de communication

Comment la « Net attitude » est devenue la « manipulation attitude » *
* la Net attitude est un guide à l'usage des jeunes édité par le gouvernement dont on trouvera le texte intégral à l'adresse suivante : http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/guide_musique20050320.pdf

Ardents défenseur du droit de la propriété intellectuelle unissez vous et combattez l’internaute libertaire à outrance !
Ne serions-nous pas revenu au temps de l’affrontement idéologique digne du capitalisme versus socialisme qui souhaite voir l’internet comme un espace de partage sans conteste ?


Une grande sévérité de la part de nos contemporains

La presse spécialisée se targue de fustiger le langage simplificateur de notre Ministre de la Culture bien aimé alors que d’autres saluent son courage et son abnégation à vouloir diffuser auprès des D’jeuns la bonne parole.
Alors qui de la poule ou de l’œuf est venu en premier ?
A cette question s’oppose le principe de la finalité de ce petite guide ? Quel est le message ?

Le message est réducteur mais vrai, en le reprenant point par point on aboutit à cette évidence : Chaque créateur d’une œuvre originale dispose du droit à divulguer son œuvre sur le net. Mais il dispose aussi du droit à ne pas voir son œuvre piratée par un tiers. Cette « piraterie » consisterait à ce qu’un tiers fasse commerce de cette œuvre sans autorisation de la part de son auteur.

Enfin le Pee-to-Peer est un logiciel qui sert à télécharger des films ou des musiques et plus généralement à échanger des fichiers. On peut s’en servir mais attention il ne faut pas mettre en P2P un fichier qui n’est pas sa propre création car c’est illégal. Par contre il est possible de télécharger de la musique ou des films sur des sites dédiés à cet effet.

Analyse d’un raisonnement en décomposition

Le guide n’a le mérite que d’être l’instrument béni de ses fustigeurs. Bourrés d’arguments de surface, juridiquement exacts, mais dont le raisonnement est inabouti, il confine à nous surprendre par la volonté de clarifier ce qui reste encore un mystère pour les hommes de lois.

La création intellectuelle a cela d’étrange qu’elle ne saurait être simple car la nature de l’homme est plus complexe encore que le fruit de sa réflexion. L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) précise que toute création de l’homme, et ce dans la mesure où elle est considérée comme originale, constitue une œuvre digne d’être protégée par le droit d’auteur. Ici ce qu’on retient c’est l’originalité comme facteur déterminant afin de savoir si la production intellectuelle mérite ou non le titre d’œuvre. Tout n’est donc pas une œuvre. La jurisprudence considère que les méthodes scientifiques mais aussi les formules ou bien encore les recettes de cuisine ne sont pas des œuvres originales.

Ainsi donc la nuance qui s’impose à l’aune de tout raisonnement dans cette matière est, bien heureusement, absente dans ce petit guide. Quel être doué d’une intelligence moyenne accepterait de pinailler sur la notion d’originalité ! Ou c’est une œuvre ou ça n’en est pas point final.
Et une œuvre piratée ? C’est une œuvre qu’on utilise à des fins commerciales de revente pour obtenir un prix, et ce sur le dos des artistes et des maisons de disque. Alors embêter les gens à distinguer la piraterie et la contrefaçon et considérer que la contrefaçon consiste en l’utilisation gratuite ou onéreuse d’une œuvre sans l’autorisation de son auteur c’est encore vouloir introduire une nuance au risque d’engendrer des confusions dans nos esprits. Car enfin le message doit être clair. Il ne faut pas utiliser ces P2P mais aller télécharger ses musiques sur un site marchand. Et puis quoi à la fin ?!!

Alors ouvrons un code de la propriété intellectuelle et arrêtons-nous un instant sur les articles qui concernent le droit de reproduction sans autorisation de l’auteur pour copie privée, envisageons ensuite de retrouver, mais en vain car il n’existe pas, le texte qui prohibe l’utilisation des logiciels P2P. Considérons encore un instant la contrefaçon et sa sanction pénale largement aggravée par Monsieur PERBEN et qu’en résulte-t-il au final ?

Une décridibilisation de ce guide. Les arguments énoncées par ce fascicule se retournent les uns contre les autres, pris au pièges des contradictions de nos grands parlementaires et de nos magistrats embourbés dans les méandres de leurs « priorités » intellectuelles et qui ont laissé traîner des traces d’exception finaudes et particulièrement nuancée dans le code de la même propriété intellectuelle.
On s’étonnera sarcastiquement que la « net attitude » ne donne pas le montant maximal d’emprisonnement et le montant de l’amende en cas de contrefaçon…

Epilogue :Chronique d’une farce annoncée

Eduquer oui mais à quel prix ? Simplifier ou clarifier, peut être, mais de grâce soyons cohérent juridiquement. Soit on annonce la sanction comme un couperet en citant la jurisprudence, soit on larmoie mollement sur le temps passé par ce groupe de musique pour enregistrer un album alors que le téléchargement se fait en quelques secondes.
De plus soit ce guide se veut un avertissement soit il a la prétention de nous apprendre à nous conduire en société face au droit d’auteur.

L’échec de la communication de ce document, dont il ne faut pas remettre en cause le principe pour autant, réside dans la volonté d’avoir voulu faire un texte réducteur juridiquement, présentant les dispositions légales alors qu’il eut été plus aisé de se positionner en terme d’interdits et par a contrario d’autorisation définissant de ce fait les possibilités, envisager sans morale l’exercice des droits d’auteur et l’utilisation de ces droits (que ce soit les siens ou bien ceux d’un tiers).
Et pour ceux qui ne comprendraient pas les subtilités de notre droit, d’avoir à imposer un standard de pensée simple et concret, précis et dont on mesure l’effet coercitif car enfin aujourd’hui on sait rouler à 50Km/h sur les boulevards extérieurs du fait des amendes et des retrait de point de permis. Sait-on pourquoi ? Non mais on connaît la sanction. Dès lors interdire l’usage sans autorisation d’une œuvre n’est-il pas le plus sûr moyen de faire stopper cette illégalité ?

La question reste ouverte mais elle a le mérite d’avoir au moins été posée…